Né à LAMORMENIL, le 25 Avril 1988, Maurice Bernier a 26 ans lorsque la guerre éclate. Il est attaché au 12ème régiment d’infanterie de ligne.
Extrait de l’ouvrage de A. JACOBY ; Au Drapeau, des Editions J. Vermaut
Le 26 juin 1904, Maurice demande à de son père l’autorisation de partir pour l’école régimentaire du 12e régiment, à Bouillon.
Le 1er janvier 1905, il rentrait au village d’Oster ayec les galons de caporal.
Le 17 mai 1907, il reçoit le grade de sergent puis successivement, le 17 octobre 1909 et le 17 mai 1912 sergent-fourrier et sergent-major
La guerre le trouve toujours au 12e Régiment, l’un des premiers qui affrontèrent les cohortes allemandes.
Dès les premiers combats, tant à Sart-Tilman qu’à Dixmude, Bernier se révèle par la maîtrise de soi et un grand ascendant sur ses hommes, une des figures marquantes de sa compagnie. Il est énergique, simple dans son courage, délicat, généreux dans ses sentiments, gai, spirituel dans son humeur.
Le 1er mars 1915, après les rudes combats de l’Yser il est promu au grade d’adjudant. C’est la récompense plusieurs fois méritée de sa belle conduite au feu. Du front des Flandres, sa pensée se porte souvent vers son village ardennais.
Quel plus bel hommage pouvons-nous rendre au lieutenant Bernier que cet extrait de l’ordre journalier de régiment qui nous a appris la triste nouvelle :
« J’ai le regret de porter à la connaissance du régiment le décès du lieutenant Bernier Maurice, survenue le 14 octobre 1917, à 6 heures, à l’hôpital du Cap Ferrat, où notre brave camarade était en traitement depuis plus d’un an pour maladie contractée dans les tranchées de l’Yser. Bernier fut de tout temps un modèle de modestie et de courage.
Son dévouement poussé jusqu’à l’abnégation complète fut une des grandes causes de sa mort. Exemple du devoir, bien que miné par le mal, il ne prétendit se laisser évacuer qu’à la dernière extrémité et resta toujours animé du ferme espoir de nous rejoindre bientôt. Quoique décédé loin du front, il est néanmoins mort en soldat, victime de son amour ardent pour notre chère Patrie. Nous conserverons vivace le souvenir de ce brave camarade auquel nous accorderons souvent une pensée émue. »
Oui, le lieutenant Bernier est mort en vrai soldat. La maladie qui le minait n’avait pu entamer son courage et il fallut toute l’autorité de ses chefs pour décider notre cher ami à prendre quelque repos. » J’espère, me disait-il la veille de son départ à Saint-Jean- Cap-Ferrat, être bientôt de retour au milieu de mes chers soldats. Ardennais de cœur et d’âme, il en avait toute la simplicité, la cordialité en même temps que la foi pratiquante.
Le 16 juin 1923, la dépouille mortelle du brave lieutenant fut ramenée à Oster-Odeigne. Son corbillard y arriva couvert de couronnes. Sur son passage les coteaux couverts de genêts en fleurs semblaient semer de l’or à profusion. Les prés formaient d’immenses corbeilles de fleurs et leur herbe était d’un vert presque bleu. La paroisse avait envoyé tous ses enfants au-devant de lui pour le recevoir. Tandis que les cloches sonnaient à toute volée le glas monotone, ses camarades d’enfance le déposèrent dans le cimetière qui est situé non loin de l’église où il fit sa première communion.
Devant son cercueil jonché de roses et de tulipes son ancien chef, le Capitaine-commandant Masy du 3e d’artillerie qui, pendant la guerre, commanda la 5e Compagnie du 12e de Ligne, prononça cet émouvant discours :
« Le 14 octobre 1917, mourait à la Côte d’Azur, dans cette magnifique propriété du Cap Ferrat transformée, par la famille royale, en hôpital de repos pour les militaires convalescents ou fatigués de l’armée belge, le lieutenant Maurice Bernier du 12e de Ligne. » Après 6 années de repos dans cette terre amie et hospitalière de France dans ce site merveilleusement beau avec son ciel toujours pur comme l’âme des héros, et sa mer éternellement blanche comme le sang symboliquement bleu des guerriers nobles, le corps du lieutenant Bernier rentre dans sa terre natale, couvert de gloire, couvert de fleurs et entouré de la plus respectueuse admiration de ses concitoyens et de ses anciens frères d’armes. » Lieutenant Bernier, c’est avec une respectueuse émotion qu’au nom de la Compagnie où vous avez servi, la I/II du 12e Régiment de Ligne, qu’au nom de vos camarades officiers et de vos anciens soldats, je prends la parole pour saluer votre rentrée au Pays. »
Après 6 années de sommeil dans le royaume mystérieux du silence et de la méditation, votre réapparition à la lumière du jour est le symbole de l’immortalité des Héros, au nombre desquels vous comptez. » Acceptez nos hommages reconnaissants, de nous qui en sommes revenus et qui bénéficions du sacrifice de ceux qui sont tombés. » Soyez le bienvenu dans notre Patrie reconquise, dans ce grand cercle d’affection et de domicile commun de ceux qui, citoyens ou soldats, ont connu et partagé vos peines et vos joies, ont été les témoins de vos jeux d’enfant ou de votre courage de soldat. De ceux qui ne vous ont pas oublié et qui ne vous oublieront pas. » Messieurs, à la guerre on donne sa vie de plusieurs façons. Les uns, pleins de fougue et de santé se sont fait tuer face à l’ennemi; d’autres sont morts terrassés par la maladie et par la fatigue, ayant généreusement abusé de leurs forces qu’ils avaient surestimées. Quelques-uns, cas très rares, cas isolés, pour ma part je n’en connais pas, braves enfants cependant, ont trouvé la mort dans un instant d’affolement où ils avaient même tourné le dos à l’ennemi. Bien qu’à des degrés très différents tous ont cependant payé et tous ont mérité, parce qu’ils ont fait le sacrifice du plus précieux de tous leurs biens, leur vie. »
Mais, parmi les courageux, parmi les braves, il en est qui ont spécialement mérité l’admiration de leurs semblables et, parmi ceux-là, il faut compter le lieutenant Bernier.
Engagé volontaire, la guerre le trouva sous-officier d’élite, candidat sous-lieutenant. » Son tempérament actif, énergique, militaire le désigna vite à ses chefs comme un homme courageux et brave, comme un soldat d’élite.
Il se distingua au combat de Dixmude, lors de cette inoubliable bataille de l’Yser 1914, bataille qui sauva le monde civilisé de la domination allemande. Il y fut décoré, pour action d’éclat, de la Décoration militaire de 2e classe pour : « Avoir encouragé et stimulé les défenseurs de la barricade établie sur la route de Dixmude à Essen et rempli sa mission avec bravoure, malgré le bombardement violent de l’artillerie lourde ennemie. » » Le 5 juin 1915, il est commissionné sous-lieutenant auxiliaire; puis, successivement sous-lieutenant de l’active le 5 décembre 1915 et lieutenant le 18 décembre 1916.
Dans la suite, il reçoit la Croix de guerre, le 1 8 février 1916, les médailles commémoratives et de la Victoire; puis, la plus belle, la Croix de Chevalier de l’Ordre de Léopold.
Pendant les deux premières années de la guerre, les plus dures pour nous, parce qu’époque de pauvreté de notre armée en hommes, en moyen, en matériel, en effets militaires, en logements même, il fut notre compagnon à nous, officiers ici présents.
C’était l’époque de la lutte du terrassement belge contre le canon allemand. Tous les jours, fériés et dimanches compris, qu’on soit aux tranchées ou au repos, un cauchemar affreux hante les hommes. C’est le travail de nuit. Dans tout cela, le caractère du lieutenant Bernier tranchait par sa gaieté, son entrain, sa belle franchise, son activité incessante, son ardeur au combat et sa bonne humeur lors des périodes de repos.
« Le sous-lieutenant auxiliaire Bernier accuse une » forte et belle personnalité. Il a toutes les qualités du peuple ardennais. Il remplit ses fonctions de chef de » peloton, et d’ailleurs toutes les missions qu’on lui confie, avec beaucoup d’entendement militaire, d’entrain et de bonne humeur. Il a une bonne et belle conception de ce que doivent être les devoirs et obligations de l’officier.
En toute chose, il donne l’exemple et je puis dire qu’il est le premier soldat de son peloton tant par le courage, la bravoure, l’esprit de sacrifice.