L’écrivain Jacques Mortane réalise un ouvrage » l’Odyssée des 120″ qui relate le périple extraordinaire d’une bonne centaine de soldats français abandonnés sur le champ de bataille par leurs régiments démantelés et en retraite désordonnée devant un ennemi supérieur en nombre, bien retranché et camouflé dans la forêt dense de Luchy entre Bertrix, Ochamps, Jéhonville et Recogne…
22 Août 1914
La 33ème Division française progresse sur les Ardennes belges…
Les 20ème et 11ème régiment d’infanterie française sont en tête pour pénétrer dans la grande forêt de Luchy près de Bertrix et Ochamps.
Le mot d’ordre de la Division est « attaquez l’ennemi partout où vous le verrez ! »
Les Bertrigeois avertissent les soldats que les Allemands sont retranchés fortement dans cette forêt et qu’ils attendent la confrontation…
Accablés par la chaleur et le long cheminement parcouru depuis l’aube, les troupes françaises engagent le combat. Les mitrailleuses ennemies balayent le champ de bataille sans répit et les français tombent avant même de se déployer en tirailleurs.
La fusillade est tellement intense que plusieurs compagnies françaises sont désemparés.
Après quelques heures de cauchemar, malgré des ripostes héroïques des fantassins français, la retraite est ordonnée. L’artillerie française est disloquée. Les blessés et les morts couvrent le champ de bataille dans un bain de sang qui rappelle le fameux pantalon de garance des français, si voyant devant les viseurs des mitrailleuses ennemies…
Le Sergent-major, Jean LAURENT du 11ème Régiment d’infanterie, après avoir chargé désespérément avec ses hommes sur les Allemands retranchés, apprend la retraite mais tard dans la journée et la désorientation est totale et la seule alternative est de se dissimuler dans les talus et fourrés de la forêt…
Durant 3 jours et 3 nuits, le groupe d’égarés augmente avec des soldats complètement perdus, des blessés abandonnés et composé d’une centaine d’hommes, il se terra au cœur de la forêt en cherchant comment rattraper leurs régiments, échapper à l’ennemi toujours en nombre et regagner la France …
La faim les tenaillent malgré une aide sporadique des fermiers locaux qui au péril de leurs vies parviennent à leur glisser quelques victuailles représentant une grande privation pour eux.
Le groupe tente plusieurs fois d’échapper à cette forêt mais la vigilance de l’ennemi les oblige à différer longuement de cette évasion.
Jean Laurent décida après concertation de franchir la frontière du côté de Givet et le groupe s’engage dans des broussailles et des buissons qui leur permettent de progresser lentement vers Maissin.
Le 26 Août, profitant de la nuit, les rescapés français traversent la vallée et les routes, en évitant le château de Roumont, pour se diriger sur Porcheresse.
Les soldats se traînent à travers des taillis de ronces et fougères, leur moral est au plus bas, la faim et la fatigue les minent et les défilés allemands le long des routes les figent dans les fourrés…
Proche de l’Our, un petit ruisseau, ils découvrent un moulin abandonné qu’ils occupent une journée et une nuit. A l’aube du 28 août, ils se remettent en marche, atteignent une voie ferrée qu’ils suivent et ils rencontrent un garde-chasse puis un bucheron qui vont les aider à progresser dans une bonne direction.
Arrivés en vue du village de Bourseigne-Vieille, les Français reçoivent de la nourriture, se reposent la nuit puis entament la traversée de grandes forêts qui les conduisent au village de Hargnies. Ce village étant occupé lourdement par les Allemands, les soldats français rebroussent chemin par la vallée du Risdou puis décident de prendre la direction de Charleville en passant par Monthermé.
L’accueil à Monthermé est très sympathique, la population participe à leur hébergement.
Le 1er Septembre, le sergent-major Laurent amène on groupe à Charleville mais après quelques jours, face au danger de se faire capturer par l’ennemi, le groupe de 135 soldats rebrousse chemin vers la frontière belge.
Les évadés de Luchy repassent par Château-Regnault, puis Villerzie pour arriver à Rienne…