Né le 6 Octobre 1890 à St-Martin Dun, Alfred LETELLIER est le fils de Léon François & Marie Léopoldine Legrand.
Incorporé au 26ème bataillon de chasseurs à pied en Octobre 1911 pour le service militaire, il signe un réengagement de 2 années supplémentaires. En Octobre 1913, il à tout juste 23 ans lorsqu’il rejoint le 104ème régiment d’infanterie, il est nommé sergent le 21 Juillet 1914. Seulement 1 mois plus tard, il perd la vie aux lourds combats de ETHE.
Un second drame s’abat sur cette pauvre famille, René Letellier, frère d’Alfred, soldat au 5ème régiment d’infanterie, disparaît également sur le champ de bataille de Douaumont.
Extrait de l’historique du 104ème R.I.
Le 104e R.I. marche à l’avant-garde de la 7e division.
Le 21 août, à 7 heures, il atteint Petit-Xivry et pousse jusqu’à Villette et La Malmaison. Mais, soudain, la cavalerie entre en contact avec des partis ennemis ; l’émotion étreint les cœurs : c’est la première rencontre. La frontière est franchie entre La Malmaison et Grancourt. On sent la présence de l’Allemand. Le 1er bataillon se porte aux lisières ouest de Ruette. Le 2e bataillon marche sur la côte 318. Le 3e bataillon détache deux compagnies, à droite du 1er bataillon, vers la sortie sud du village ; ses deux autres compagnies, passant par Stock-Fontaine, exécutent vers la gauche une progression enveloppante. L’ennemi refuse le combat : il abandonne Ruette au moment où l’avant-garde du 1er bataillon débouche des bois qui bordent le village au sud. Le 21 au soir, le régiment stationne à Ruette en cantonnement d’alerte. Le 22 août, le 104e quitte Ruette à 4 heures 30.
La bataille d’Ethe va s’engager.
Par une matinée brumeuse, la 7e D.I. s’engage sur la route de Ruette à Gomery. Le 104e R.I. est à l’avant-garde, le 2e bataillon en tête suivi du 3e , puis du 1er ; un groupe du 26e d’artillerie, soutenu par la 4e compagnie, accompagne ce dernier. Une halte est faite à Gomery. Un bataillon du 103e s’intercale entre les 2e et 3e bataillons du 104e ; sa mission est de traverser Ethe rapidement et de se porter sur les pentes boisées qui dominent le village dans le but de protéger le flanc gauche de la division. Celle-ci, ainsi couverte, s’apprête à traverser Ethe pour tourner à droite dans la direction de Saint-Léger. A ce moment, la cavalerie fait savoir que le village d’Ethe et les pentes boisées le bordant au nord ne sont pas occupés. La marche reprend. A 7 heures, le 2e bataillon a franchi Ethe.
Le brouillard qui, jusque-là, avait caché les mouvements de la tête d’avant-garde se dissipe brusquement. Il laisse en pleine lumière le champ de bataille où, pour la première fois, le 104e va brillamment combattre au prix de sacrifices généreux Des balles sifflent venant des hauteurs en avant et à droite d’Ethe qui n’ont pu être atteintes par le bataillon du 103e . Le 2e bataillon du 104e se déploie aussitôt à la faveur des maisons du village et du talus du petit chemin de fer qui relie Ethe à Saint-Léger. Son mouvement est exécuté sous la protection de la section Péponnet, de la 6e compagnie, qui se porte à 500 mètres en avant d’Ethe. Cette section engage le combat tandis que la 5e compagnie occupe la ferme à la sortie des bois qui dominent la vallée de la Tonne (2), à l’est du château.
Au même moment, la 6e compagnie occupe la croupe au nord-est de Gévimont ; les 7e et 8e compagnies, appuyées par le bataillon du 103e , font face au nord et s’agrippent aux pentes en bordure du bois Lefort. Le 2e bataillon, renforcé par des éléments du 103e , forme donc un demi-cercle au nord et à l’est d’Ethe ; sa droite s’appuie au ravin de la Tonne. Les balles sifflent plus drues, plus nombreux tombent les hommes. Les coups de feu partent du nord et de l’ouest ; il est de toute évidence que la colonne défile devant les tirailleurs ennemis installés sur son flanc gauche.
C’est à ce moment que le 3e bataillon arrive sur la route de Saint-Léger. Pris en écharpe par les balles venant du nord, il fait face à gauche, le long de la voie du chemin de fer qui borde la route d’Ethe à SaintLéger. Deux sections de la 12e compagnie et la 9e compagnie se portent à droite du passage en dessous, à deux cents mètres à l’est d’Ethe. Les 10e et 11e compagnies se massent, en renfort, entre le passage en dessous et le village. Il est 7 h. 30. Sur le front du 2e bataillon, la fusillade fait rage. Le canon allemand, posté aux lisières ouest du bois Lefort, tonne violemment ; il prend à revers les 5e et 6e compagnies sur la croupe au nord de Gévimont et déverse sur elles une pluie de projectiles. Ce terrain devient bientôt intenable ; les pertes sont nombreuses et les sections des 5e et 6e compagnies, les unes après les autres, sont rejetées dans le lit de la Tonne. Vainement, le chef de bataillon Henry, qui avait organisé la défense du château, les rallie et les ramène sur la crête. Par deux fois, les braves des 5e et 6e compagnies, hachés par les obus qui creusent dans leurs rangs des trainées sanglantes, refluent, la rage au cœur, dans le lit de la rivière, où ils vont demeurer tapis jusqu’au soir. Pendant ce temps, la 7e compagnie, avec le capitaine Wibratte, une partie de la 5e compagnie, avec le capitaine Bertin, ne trouvant devant elles qu’une résistance médiocre, s’enfoncent dans le bois Lefort. Couvertes par les feuillages, ces fractions obliquent vers l’est.
A 9 heures, elles se trouvent aux lisières est de la forêt, en bordure du village de Saint-Léger, où un bataillon du 103e est aux prises avec l’ennemi. L’avancée audacieuse des capitaines Wibratte et Bertin a pour effet d’amener une brisure large dans l’arc de cercle tendu, au nord et à l’est d’Ethe, par le 2e bataillon du 104e et le bataillon du 103e . Les allemands vont enfoncer un coin dans cette brisure que le repli des 5e et 6e compagnies va encore accentuer davantage ; les capitaines Wibratte et Bertin resteront isolés pendant des heures ! A 9 heures, en effet, une compagnie allemande avec mitrailleuses essaie de sortir du bois devant la ferme du Château. Elle est heureusement décimée par les mitrailleuses du bataillon du 103e , placées sur un éperon au nord de la route de Saint-Léger. L’ennemi reflue dans le bois. La section de mitrailleuses du 2e bataillon, sous les ordres du lieutenant Thoreau, défilée dans le lit de la Thonne, croit alors pouvoir dépasser la route, mais elle subit aussitôt le tir des mitrailleuses ennemies qui la rejette dans le lit de la rivière. Elle y est bientôt tournée par des partis allemands qui s’étaient infiltrés dans le ravin de Rouge-Eau. Cette section rejoignit pourtant le régiment quelques jours plus tard. Sur la voie du chemin de fer, le 3e bataillon s’oppose à son tour à la poussée allemande. La section Moureton, de la 10e compagnie, se détache pour aller défendre le passage en dessous. Elle est décimée par le feu de l’infanterie ennemie. Le sous-lieutenant Moureton tombe frappé d’une balle à l’épaule. Le lieutenant mitrailleur Guédès et le chef de bataillon Lévin, qui étaient montés en reconnaissance sur la voie ferrée, sont également frappés. Le 1er bataillon débouche dans Ethe au moment où les hussards du 14e régiment venaient de se sacrifier dans une charge désespérée. Il est péniblement impressionné par le spectacle des cavaliers et des chevaux frappés dont les cadavres jonchent le sol. Mais l’héroïque sacrifice du 14e hussards n’a pas été inutile, puisqu’il permet au capitaine Tourte, commandant le 3e bataillon, de ramener les braves de la section Moureton, de recueillir les 9e et 12e compagnies déployées sur le talus du chemin de fer et de les rallier dans Ethe, sous la protection du peloton Ricard, de la 11e compagnie.
Dès cet instant, le commandant Henry et les débris de son bataillon se trouvent isolés du reste du régiment. Les patrouilles ennemies s’infiltrent dans le creux de la ravine de Rouge-Eau, s’avancent jusqu’à la Tonne et coupent, entre le château et le village d’Ethe, la ligne de retraite du 2e bataillon. Pendant que les allemands exécutent ce mouvement sur notre droite, le 1er bataillon, tout en organisant la défense du village s’oppose au débordement de l’ennemi sur notre gauche.
Malgré ses pertes, la section Peponnet, soutenue par des éléments du 103e , continue avec acharnement à défendre les abords nord-ouest du village. A 7 h 45, les compagnies Giansilly et Martin escaladent le talus de la route à l’entrée du village et se portent sur la voie ferrée. Elles détachent la section Chanut pour renforcer les défenseurs de la lisière nord d’Ethe. Les 1ère et 2e compagnies s’échelonnent dans le creux de la voie ferrée afin de diminuer leur densité. La 3e compagnie prend place à leur gauche. Les compagnies, progressant par sections et par bonds successifs, atteignent la crête derrière laquelle elles s’étaient dissimulées jusque- là. Les trois compagnies du 1er bataillon s’avancent donc face à l’ouest. Le capitaine Giansilly, de la 2e compagnie, dépasse de deux cents mètres environ la crête où se rallient les 1re et 3e compagnies, sous le commandement du chef de bataillon Forcinal. La 2e compagnie est fusillée de front et de flanc. Les batteries allemandes de la lisière ouest du bois Lefort la prennent d’enfilade. Malgré sa ténacité valeureuse, cette compagnie rétrograde sur la crête. La fusillade latérale des allemands du bois Lefort devient plus nourrie ; dans les trois compagnies, officiers et hommes tombent en grand nombre. Vers midi, cette position doit être abandonnée, par suite des pertes croissantes. Les débris des compagnies regagnent, avec peine, le défilement protecteur de la voie ferrée, à l’ouest du village. La 2e compagnie n’existe plus : le capitaine, tous les chefs de section et la plupart des hommes sont tombés. A ce moment le combat semble tourner à notre avantage. A l’est et à l’ouest, les allemands approchent du village. Au nord, ils sont encore maintenus par quelques combattants de la 8e compagnie, renforcés d’hommes du 103e . Le village d’Ethe est mis en état de défense. Le reste du 3e bataillon, rallié par le capitaine Peltier, après la blessure du capitaine Tourte, essaye, par la manœuvre, de protéger la sortie sud du village et le pont sur la Tonne. Le capitaine Peltier suit le lit du ruisseau pour se porter sur un mamelon situé à cinq cents mètres au sud-ouest d’Ethe. Mais, à deux reprises, il est cloué au sol par un feu nourri de mitrailleuses partant des crêtes nord du village. L’infanterie allemande contourne le mamelon et menace notre ligne de retraite. Les officiers ne peuvent regrouper les isolés qui, traversant la route de Goméry à Ethe, se replient dans la soirée, par les bois se trouvant à l’est de la route au nord de Goméry. Cependant les braves défenseurs du village, ceux surtout du 103e et de la 8 e compagnie, en interdisent toujours les lisières. La progression des allemands est également arrêtée par nos canons de 75 en position à gauche de la route, aux lisières nord du bois qui couvre Goméry. Un instant, les allemands hésitent. Puis deux compagnies allemandes esquissent un mouvement de retraite en colonne par quatre sur la route d’Ethe à Buzenol. La section de mitrailleuses du lieutenant Poigny, postée depuis le matin au sud du village, jette le désordre et l’épouvante dans leurs rangs. Mais l’artillerie allemande prend à partie cette section, dont l’une des pièces est brisée par un obus qui tue tous les servants.
La nuit tombe. Si les allemands ont réussi à contourner Ethe à droite et à gauche, les défenseurs du village résistent toujours stoïquement. Le général de brigade Félineau, sur la grand’place, encourage la résistance. L’adjudant-chef Dupuy, à la barricade nord du village, par la lucarne d’une maison, commande le feu inlassablement sur les allemands qui dévalent du bois Lefort. A l’est, l’adjudant Diquélou, de la 3e compagnie, soutient l’unique pièce d’artillerie, qui s’est avancée jusque sur la place du village. Servie par des fantassins commandés par l’adjudant d’artillerie Charbonnier, elle creuse des trainées de sang dans les groupes ennemis qui s’avancent sur la route de SaintLéger. Les sous-lieutenants Vernier et Chanut, le lieutenant Ricard défendent quelque temps encore la sortie est du village. Vains efforts ! Ethe, assailli par un déluge de projectiles, doit être abandonné. A 20 heures, le mouvement de repli commence. Les survivants de cette journée sinistre mais glorieuse s’en retournent par les bois. La 4e compagnie est à l’arrière-garde. Le chef de bataillon Henry, le capitaine Wibratte, que l’on avait cru perdu pendant toute l’après-midi, ramène dans nos lignes, le lendemain, les débris de deux compagnies, 150 hommes à peine…