Un sous-lieutenant du 11ème régiment d’infanterie français a écrit le récit suivant, qu’a publié la Dépêche de Toulouse en date du 3 Novembre 1914;
» De Bertrix, nous avions reçu l’ordre de gagner le village d’Ochamps….Il fallait traverser le bois assez épais, tapissé de hautes fougères. Prudemment le régiment s’engage. Au loin, tout est tranquille et rien ne bouge. A son tour, l’artillerie pénètre dans le bois, encadrée et suivie par d’autres fantassins. Déjà l’avant-garde débouche: un terrible feu de salve l’arrête. La fusillade est nourrie, ininterrompue. Plus de doute, l’ennemi est là, devant, en nombre. Impossible de mettre les canons en batterie pour le balayer, force est donc de se replier. Mais les chemins sont obstrués par les arrivants: il faut d’abord les dégager pour livrer passage à l’artillerie, d’où un flottement , un peu de désordre à l’arrière, un peu de confusion à l’avant où, dans l’impossibilité de reculer, les soldats sont obligés de s’éparpiller pour se mettre autant que possible à l’abri des balles qui pleuvent.
Et voilà à notre droite, dans le bois même et pas très loin de nous, des crépitements sinistres se font entendre. Blottis dans les fougères, les Allemands nous canardent à plaisir: des hommes, des chevaux tombent nombreux… Nous ripostâmes comme de juste, mais, à n’en pas douter, les Allemands étaient en nombre considérable et dissimulés; nous tirions au hazard. Ils avaient çà et là appendu à des branches des hardes qu’on entrevoyait dans le lointain: la plupart de nos coups de fusil s’égarèrent sur ces pantins. Il n’y avait pas à hésiter, il fallait battre en retraite… Ce fut une débandade générale … Les hommes se relevaient pour courir et étaient plus aisément atteints… Une fois hors du bois, le danger devenait plus grand encore, car l’artillerie allemande s’était mise de la partie et nous étions à découvert… Au cours de cette marche en arrière, des officiers avisèrent des tranchées inachevées, mais suffisantes pour fournir abri. Elles furent rapidement envahies. On se tassait. Hélas! Ce n’est pas en vain que les Allemands, qui avaient occupé cette région plusieurs jours auparavant, avaient exécuté ces travaux. En ce moment, les tranchées très exactement repérées, furent inondées de mitraille. Ce fut une boucherie… Nous sommes tombés tête baissée dans un guet-apens soigneusement préparé. Une grêle de projectiles s’est abattue sur nous, lancée par des êtres obstinément invisibles, car il n’y eut même pas de leur part une tentative de poursuite. »
Rouède, petite bourgade posée dans le département de Haute-Garonne, garde dans sa précieuse mémoire deux jeunes gens qui sont tombés en terre de Belgique le 22 Août 1914.
Joseph FAUX est né le 20 Avril 1888 à Moulis en Ariège, fils de Joseph et Jeanne Casteras, il est cultivateur à Rouède.
Il effectue son service militaire du 8 octobre 1909 au 24 Septembre 1911 au 83ème régiment d’infanterie et c’est avec ce régiment qu’il est appelé lors de la mobilisation au début du mois d’Août 1914.
Une confusion d’identité apparaît; ces deux homonymes sont cités avec une inversion sur leur destinée malheureuse
Extrait du Journal Militaire des Opérations du 83ème régiment d’infanterie français dans lequel le 2ème classe Joseph FAUX participe à la bataille sur le territoire de Jéhonville et Anloy, villages voisins de Bertrix… Lors de cette journée tragique, le régiment subit de lourdes pertes face aux mitrailleuses ennemies, Joseph FAUX tombe avec de nombreux frères d’armes et la retraite du régiment est inéluctable…
Jean FERRAN est né à Rouède le 21 Octobre 1889, il est le fils de Paul Oscar Théophile et Marie Louise Berges.
Après son service militaire entre 1910 et 1912, il reçoit l’ordre de mobilisation le 1er Août et rejoint son régiment, le 11ème régiment d’infanterie.
La sépulture est dressée dans la nécropole franco-allemande de Luchy entre Bertrix & Ochamps au cœur de la forêt qui fut le théâtre de la lourde bataille du 22Août 1914.
Les victimes des combats furent inhumées à l’endroit où elles sont tombées. Ces morts furent ensuite transférés, en 1917, dans plusieurs grands cimetières, par les soins d’un personnel allemand qu’assistaient des ouvriers fournis par les communes voisines du conflit.
L’ouvrage « Invasion Allemande » intitulé la bataille de Neufchâteau et Maissin de Jean Schmitz et Norbert Nieuwland édité en 1924 cite les cimetières suivants;
le cimetière du « Différend »( Ochamps), situé à la sortie du chemin de Bertrix dans la forêt de Luchy, comprend 92 français et 81 Allemands
le cimetière des « Sapins », n°1, commune de Jéhonville, comprend 104 Allemands et 219 Français.
le cimetière de la « Croix Morai »( Ochamps), situé à la sortie de la forêt de Luchy vers Ochamps, contient 47 corps de Français et 17 Allemands.
le cimetière de « La Bruyère »n°2, situé sur le territoire de Bertrix, au delà de la lisière Sud de la forêt de Luchy, a groupé 148 Allemands et 212 Français.
le cimetière de « La Chapelle » à Ochamps contient les corps de 229 Français et 63 Allemands.
De 1927 à 1933, de nombreux cimetières sont démantelés et les dépouilles et monuments sont rassemblés dans les différentes nécropoles de la province de Luxembourg, terre de la « bataille des frontières. »
Si vous visitez ces nécropoles, vous constaterez rapidement que les victimes de cette guerre sont réparties dans plusieurs cimetières parfois éloignés des champs de bataille allant jusqu’à plus de cinquante kilomètres…
On découvre des Héros des combats de Bertrix notamment dans les nécropoles suivantes;
le cimetière franco-allemand de Bertrix, le cimetière Pierre Massé de Maissin, le cimetière » La Bruyère » d’Anloy, le cimetière franco-allemand du Radan à Bellefontaine, le cimetière franco-allemand de Baranzy, le cimetière de Malome à Neufchâteau, …