Agent de liaison au 83ème Régiment d’Infanterie française, le soldat Bertrand Bibès succombe lors des combats du 22 Août 1914 sur la route menant de Jéhonville à Anloy.
BATAILLE DE JEHONVILLE
Partons par alerte à 2 heures : destination les boches. Arrivons à Bertrix en
Belgique à 2 heures de l’après-midi. Nous voyons quelques malheureux chasseurs
envoyés en reconnaissance qui reviennent blessés et nous apprennent que les
Allemands sont dans les bois à 1 km. Nous sommes épuisés car nous avons au moins
45 km dans les jambes et un quart de café dans l’estomac. Malgré ça, nous
bouillons d’impatience car nous voyons déjà nos baïonnettes rougies de ce sang
d’assassins, de ces non-civilisés. Leurs canons de toutes parts font rage. Nous
arrivons à la lisière d’un bois où nous nous déployons en tirailleurs,
baïonnettes aux canons, il en est ainsi pour notre corps d’armée. Nous avançons
péniblement à travers bois. Les balles commencent à s’entendre, on nous fait
coucher et bientôt nos clairons sonnent la charge et le cri d’en avant est gravé
sur toute la nuit, nous partons comme des lions qui sentent la pâture. Mais
hélas, ils sont retranchés les cochons, ils nous attendent de pied ferme et
bientôt autour de moi il n’y a plus que des morts, des blessés, partout. Malgré
cela, ils ont peur les lâches, et ils reculent un peu mais plus nombreux, ils
nous contournent. La situation n’est plus tenable et nous sommes obligés de
quitter cette terre qui nous a coûté si cher. Ils l’avaient réussi, le
guet-apens de Bertrix. Cette bataille fut appelée pour toute la ligne « Bataille
de Jéhonville « . Nous sommes obligés de battre en retraite, la rage au cœur
d’avoir été vaincus par cette vermine. Mais la vengeance viendra, nous
l’espérons tous et bien qu’exténués de fatigue et de faim, tout le monde marche
en réclamant son régiment. Pour ma part, je marche toute la nuit. Alors devant
moi apparaît ce combat où la mitraille, les obus, les balles, tout, nous hachent
sans presque pouvoir nous défendre et, plus que jamais, j’avais envie de faire
mon devoir de Français afin de participer à l’extermination de ce sale peuple
qui doit être exclu de notre sage et paisible Europe. Plus qu’un officier pour
commander le restant de la Compagnie. Capitaine tué, Commandant tué, nombreux
camarades tués et blessés.